
LE COUP de la bouteille à moitié vide et à moitié pleine, ça fonctionne jusqu’au jour où cela ne marche plus. Et ce jour, c’est aujourd’hui. Saint-Valentin pluvieuse. Saint-Valentin dangereuse. Pour une fille comme moi.
Depuis six mois, je me dis qu’il y a pire dans la vie. Il y a les alcooliques, les droguées, les allergiques au Nutella, les filles qui n’ont jamais pu tenir debout chaussées d’une paire de talons et celles qui bourrées et/ou stones expient leur passion pour le gianduja sur les escarpins à qui elles ont fini par dire oui pour la vie. Et qui risquent de leur en vouloir pour longtemps…
Ça fait du monde. Beaucoup de monde. C’est vrai. Toute cette humanité fragile devrait m’aider à relativiser mon énorme problème à moi. Je m’appelle Isa. Je viens de fêter mes trente ans. Et je dois en profiter car je n’aurais peut-être jamais le plaisir de goûter un succulent cheesecake (seul gâteau autorisé ici) pour mon trente-et-unième anniversaire. Je suis dépendante. Niveau maximal. Littéralement tributaire du cerveau dérangé qui m’a donné le jour.
La fille sympa qui ne se fera jamais larguer par Hugh Grant, c’est moi.
Pour faire simple et clair, je m’appelle Isa. Et je vis le cauchemar quotidien d’être ce que l’on appelle un personnage secondaire *soupir* *grimace* *shoot de Nutella* *gémissement*. Sur le papier, c’est-à-dire là où je suis censée m’épanouir un jour, c’est absolument le pied. Dans une comédie romantique, un personnage comme moi peut se permettre des trucs que ne ferait jamais un perso principal. Pas de pression – aucune obligation de sourire comme Julia Roberts ou de regarder une autre embrasser professionnellement Colin Firth – juste le fun de repousser toujours plus loin les limites. Sans jamais risquer d’en subir les douloureuses conséquences. La fille sympa qui ne se fera jamais larguer par Hugh Grant, c’est moi.
Mais dans ma vraie fausse vie, l’existence ressemble à un long calvaire. Le cerveau dérangé qui m’a donné le jour m’a déjà rayé sadiquement au moins trois fois de son carnet de notes. Un carnet rose et violet à spirale. Les gens qui la connaissent moins intimement que moi trouvent « trop mignon » le choix de ce carnet. Moi, le seul surnom que j’ai pu lui donner c’est « compil’ de névroses, volume 1 ». Je ne dois pas avoir tout à fait tort, si j’en crois les efforts qu’elle fait pour le planquer et que personne chez elle ne mette la main dessus…
Marianne, le cerveau dérangé c’est elle, va me gommer, m’effacer, me ressusciter, me promouvoir perso principal dans un moment de désespoir, éclater d’un rire limite démoniaque le lendemain en remerciant le saint patron des auteurs qui l’a remise sur le droit chemin et me rétrograder aussi vite, me raconter sa vie sans écouter la mienne, me faire vivre des trucs hardcore tout ça parce que la vérité c’est qu’elle est bien trop lâche pour les tenter elle-même.
Et ça va continuer jusqu’à ce qu’un beau jour, elle soupire de plaisir, mette un point final à ce roman.
Et ça va continuer, durer, se répéter jusqu’à ce qu’un beau jour, elle soupire de plaisir, mette un point final à ce roman, éteigne son ordi, court au ralenti retrouver ses copines pour fêter la bonne nouvelle, se saoule au Perrier, quitte précipitamment le resto pour retrouver son ordi et relire son texte. Car je suis dépendante mais l’addicte au clavier, c’est elle.
Comme la bouteille est à moitié pleine et que nous vivons dans un monde merveilleux où les personnages peuvent échapper à leur créateur et vivre leur vie dans un anonymat relatif sur internet, j’ai décidé, pour me venger c’est vrai, de vous raconter ici, la vraie histoire vraie de sa prochaine Rom/Com.
C’est très mal, je sais.
Mais, OMG, ça va me faire un bien fou.